lundi, mai 28, 2007

La Complainte du Boeuf

Par Jacques Rancourt
Au pays des souvenirs
Mes autres poèmes

La Complainte du Boeuf

Au temps de mon enfance

Au temps de la grande noirceur
Au temps où le sexe était tabou
Régnait en maître le bœuf parmi ses vaches

Vint le temps où son rôle devint inutile
Vint le temps du vétérinaire avec son insémination
J’imagine alors toute la détresse de ce bœuf aigri
J’imagine alors sa complainte inspirée de Rutebeuf


Que sont mes vaches devenues
Que j'avais de si près tenues
Et tant aimées
Elles ont été de moi trop éloignées
Je crois le progrès les a ôtées
L'amour est morte
Ce sont amies étant comme des mortes
Et le progrès dans mon enclos
Les éloigna de mon sexe à jamais

Avec le temps que mon membre viril

Quand il ne sert plus à rien
Qu’il aille à terre
Avec tristesse qui m'atterre
Qui de partout me fait la guerre
Au temps du printemps
Ne convient pas que vous raconte
Comment je me suis mis à honte
En quelle manière

Que sont mes vaches devenues

Que j'avais de si près tenues
Et tant aimées
Elles ont été de moi trop éloignées
Je crois le progrès les a ôtées
L'amour est morte
Le mal ne sait pas seul venir
Tout ce qui m'était à venir
M'est advenu

Pauvre vie et pauvre existence maintenant

M'a Dieu donné, le roi des T-Bone
Et pauvre viande
Et droit au sexe on me le prend
L’ébéniste en fait une canne à vendre
L'amour est morte
Ce sont mes vaches éloignées de mon sexe
À tout jamais
................................................................................
À la manière de Rutebeuf
Rutebeuf (1230-1285)

4 commentaires:

Anonyme a dit...

Cette complainte à la manière de Rutebeuf est difficile a saisir, bien arrosé de rimes très imagés, a l'air d'une confidence d'un fait vécu porté par une grande tristesse et un avenir morbide.

J'ai du aller me documenter sur ce poète du X111 e. siècle pour mieux comprendre "l'infortune" esprit de l'auteur de cette complainte du boeuf.

Bravo, c'est réussi...

Anonyme a dit...

Rutebeuf est et restera toujours l'un de mes poètes préférés!
Ce fut tout un choc de voir et de lire un taureau parodier sa célèbre complainte!
Bien sûr, ce taureau semble ne pas l'avoir facile à vivre tout comme notre cher Rutebeuf!
Rutebeuf a mangé pas mal de "vache enragée" dans sa vie tandis que ce gros boeuf "enrage" de ne plus forniquer avec toutes ces belles vaches qui se prélassent dans les prés!
Pastiche amusant et drolatique!
Marrant ce poème!

Anonyme a dit...

Même le boeuf a dû se résigner au monde qu'on dit ''moderne''.
Le champs autrefois pour cet animal, aujourd'hui dans un enclos restreint pour le T-bone.
C'est réussi!

Anonyme a dit...

Bonjour Jacques

T'es trop fort ! J'en pleure de rire !!! Satyre époustouflante, style incomparable... et l'humour ! Quand tu t'y mets...

Amitiés, A.